Polônio em Simondon (2005 [1958])

Il serait aisé de compléter cette analyse en montrant comment la même application du raisonnement transductif a permis d’unifier le domaine entier des radiations électromagnétiques en instaurant des continuités expérimentales entre les autres domaines, selon un enchaînement complet. Schumann, Lyman, puis Millikan établirent la continuité entre le spectre visible et les rayons X (de 0,4 à 0,0438 millièmes de millimètre, soit de 4000 à 438 AO). Ainsi, commencèrent à être connus les rayons X intermédiaires, trop longs pour se diffracter sur les réseaux naturels que sont les cristaux, dont la maille mesure habituellement quelques Ao . Et ce furent enfin les domaines des rayons X et des rayons γ qui furent trouvés en état de continuité et même de recouvrement assez important, puisque les rayons γ du polonium ont une longueur d’onde de 2,5 AO, ce qui les identifie aux rayons X mous ordinaires. Ils constituent la même réalité physique, et, si on leur conserve un nom particulier, c’est seulement pour rappeler leur mode de production. Mais on pourrait aussi bien les nommer rayons X. Le tableau général des radiations électromagnétiques, tel que le donne Louis de Broglie, s’étend de 10-3 AO à 3 × 1014 AO, c’est-à-dire de IO-10 millimètres à 30 000 mètres environ. Il est possible de passer, sans aucune solution de continuité, des rayons y les plus pénétrants aux ondes’les plus longues de la télégraphie sans fil. La connaissance de l’unité et de la diversité de ce phénomène si largement étalé sur une échelle numérique est un des plus beaux succès de cette méthode transductive qui est le fondement du progrès de la physique. Or, cet immense monument de logique est aussi en étroite coïncidence avec le réel, et cela jusque dans les techniques les plus fines : le thermomètre électromagnétique du Massachussets Institute of Technology, recevant à la manière d’un récepteur radioélectrique d’ondes très courtes les perturbations électromagnétiques émises par les astres a permis de mesurer les températures du soleil (10 000° K), de la lune (292° K), de l’espace noir du ciel (moins de 10° K). Le théodolite radioélectrique permet de repérer la position du Soleil par temps couvert. Le radar, dix à vingt fois plus sensible que l’œil, peut déceler le passage des météores invisibles avec les instruments d’optique. (Simondon 2005 [1958]:107-8)

SIMONDON, Gilbert. 2005 [1958]. L’individuation à la lumière des notions de forme et d’information. Grenoble: Éditions Jérôme Millon.