Ferro e prata em Simondon (2005 [1958])

Si nous considérons par contre un enregistrement sonore sur ruban revêtu d’une couche d’oxyde magnétique de fer, ou sur fil d’acier, ou sur disque, nous voyons que l’ordre devient ici un ordre de succession: les individus physiques distincts dont les modifications traduisent et transportent les signaux sont des grains d’oxyde, des molécules d’acier, ou des amas de matière plastique ordonnés en ligne et qui défilent devant l’entrefer d’un électroaimant polarisé ou sous le saphir ou le diamant d’un équipage de lecture. La quantité de détails qui peut être enregistrée par unité de temps dépend du nombre d’individus physiques distincts qui défilent pendant cette unité de temps devant le lieu où s’effectue l’enregistrement: on ne peut graver sur un disque de détails plus petits que l’ordre de grandeur des chaînes moléculaires de la matière plastique qui le constitue; on ne peut non plus enregistrer sur une bande magnétique des fréquences qui correspondraient à un nombre de détails (particules aimantées à des degrés variables) supérieur au nombre de particules; on ne peut enfin enregistrer sur un fil d’acier des variations de champ magnétique qui correspondraient à des sections trop petites pour pouvoir recevoir une aimantation particulière à chacune. Si l’on voulait aller au delà de ces limites, le son se confondrait avec le bruit de fond constitué par la discontinuité des particules élémentaires. Si au contraire on adopte une vitesse de défilement assez grande, ce bruit de fond se trouve rejeté vers les fréquences supérieures; il correspond très exactement au brouillard indistinct de grains d’argent qui apparaît lorsqu’on regarde une photographie au microscope [La lecture à grande vitesse d’un ruban magnétique est l’équivalent de la perception à grande distance d’une photographie]; le son est enregistré sous forme d’une série d’amas de particules plus ou moins aimantées ou disposées dans un sillon, comme la photographie consiste en une juxtaposition et une distribution d’amas de grains d’argent plus ou moins concentrés. La limite à la quantité de signaux est bien le caractère discontinu du support de l’information, le nombre fini d’éléments représentatifs distincts ordonnés selon l’espace ou le temps et en lesquels l’information trouve son support. (Simondon 2005 [1958]:234-5)

SIMONDON, Gilbert. 2005 [1958]. L’individuation à la lumière des notions de forme et d’information. Grenoble: Éditions Jérôme Millon.