Hidrogênio, zinco, estrôncio, cádmio, césio e bário em Simondon (2005 [1958])

Doit-on cependant accorder valeur de réalité à la notion de photon ? Elle est sans doute pleinement valable dans une physique du comme si mais nous devons nous demander si elle constitue un individu physique réel. Elle est nécessitée par la manière dont s’effectue la relation entre l’énergie lumineuse et les électrons, c’est-à-dire finalement entre les changements d’état des particules de la source de lumière et les changements d’état des particules du métal alcalin. Il est peut-être en effet dangereux de considérer l’énergie lumineuse sans considérer la source d’où elle provient. Or, si nous voulons seulement décrire la relation entre la source de lumière et les électrons libres du métal alcalin, nous verrons qu’il n’est pas absolument nécessaire de faire intervenir des individus de lumière, et qu’il est encore moins nécessaire d’avoir recours à une« onde de probabilité» pour rendre compte de la répartition de l’énergie lumineuse véhiculée par ces photons à la surface de la plaque de métal. Il semble même que l’hypothèse du photon soit difficile à conserver dans les cas où une quantité de lumière extrêmement faible arrive sur une assez grande surface de métal alcalin. La sortie des électrons est alors sensiblement discontinue, ce qui se traduit par un « bruit de fond» ou bruit de grenaille caractérisé lorsqu’on amplifie et transforme en signaux sonores les courants produits dans un circuit par les électrons sortant du métal, et captés sur une anode grâce à une différence de potentiel créée entre cette anode et la plaque de métal photoémissif devenue cathode. Si on diminue encore l’intensité du flux lumineux mais qu’on augmente la surface de la plaque de métal alcalin, le nombre d’électrons sortant par unité de temps. reste constant lorsque les deux variations se compensent, c’est-à-dire lorsque le produit de la surface éclairée par l’intensité de la lumière reste constant. Or, la probabilité de rencontre entre un photon et un électron libre diminue lorsque la surface de la plaque augmente et que l’intensité de la lumière décroît. En effet, en admettant que le nombre d’électrons libres par unité de surface reste constant quelle que soit la surface, on trouve que le nombre de photons diminue lorsque la surface augmente et que la quantité totale de lumière reçue par unité de temps sur toute la surface reste constante. On est donc amené à considérer le photon comme pouvant être présent partout à tout instant à la surface de la plaque de métal alcalin, puisque l’effet ne dépend que du nombre de photons reçus par unité de temps et non de la concentration ou de la diffusion de la lumière sur une surface plus ou moins grande. Le photon rencontre un électron comme s ‘il avait une surface de plusieurs centimètres carrés, mais il échange avec lui de l’énergie comme s’il était un corpuscule de l’ordre de grandeur de l’électron, c’est-à-dire 50 000 fois plus petit que l’atome d’hydrogène. Et cela, le photon le peut tout en restant capable d’apparaître dans un autre effet, réalisé en même temps et dans les mêmes conditions, comme lié à une transmission d’énergie sous forme ondulatoire: on peut obtenir des franges d’interférences sur la cathode de la cellule photoélectrique sans perturber le phénomène photoélectrique. Peut-être alors serait-il préférable de rendre compte des aspects contradictoires de l’effet photoélectrique par une autre méthode. Si on considère en effet le phénomène sous l’aspect de discontinuité temporelle qu’il présente lorsque la quantité d’énergie reçue par unité de surface est extrêmement faible, on s’aperçoit que la sortie des électrons se produit lorsque l’éclairement de la plaque photo-émissive a duré un certain temps: tout se passe ici comme si une certaine sommation de l’énergie lumineuse se produisait dans la plaque. On pourrait supposer par conséquent que l’énergie lumineuse est transformée dans la plaque en une énergie potentielle permettant la modification de l’état de relation d’un électron avec les particules constituant le métal. Cela permettrait de comprendre que la place des électrons libres n’intervienne pas dans la détermination du phénomène, non plus que la densité des « photons» par unité de surface de la plaque métallique. Nous serions alors ramenés au cas de la relation entre une structure et une substance amorphe, qui se manifeste comme un continu même si elle n’est pas continue dans sa composition. Ici, en effet, les électrons se manifestent comme une substance continue, parce qu’ils obéissent à une répartition conforme à la loi des grands nombres dans la plaque de métal. Cet ensemble constitué par les électrons et la plaque métallique dans laquelle ils se trouvent répartis au hasard, peut être structuré par l’adjonction d’une suffisante quantité d’énergie qui permettra aux électrons de sortir de la plaque. L’ensemble désordonné aura été ordonné. Cependant, cette thèse, aussi sommairement présentée, devrait attirer la critique. En effet, il existe d’autres manières d’accroître l’énergie potentielle de la plaque métallique, par exemple en l’échauffant; alors, on voit en effet, à partir de températures situées entre 7000 et 1 2500 se produire un phénomène nommé effet thermoïonique, et qu’il vaut mieux nommer effet thermoélectronique: des électrons sortent spontanément d’un morceau de métal chauffé. Quand ce métal est revêtu d’oxydes cristallisés, le phénomène a lieu à plus basse température. Ici, le changement de répartition a lieu sans intervention d’une autre condition que l’élévation de la température, tout au moins en apparence. Cependant, la condition énergétique, à savoir la température du métal constituant une « cathode chaude », ne se suffit pas pleinement à elle-même; la structure de la surface du métal entre également en jeu: on dit en ce sens qu’une cathode peut être « activée» par l’adjonction de traces de métal, de strontium ou de baryum par exemple; même dans l’effet thermoélectronique, il existe donc des conditions structurales de l’émission d’électrons. Seulement, comme dans le cas d’une substance amorphe qui passe à l’état cristallin par apparition spontanée, et jusqu’à ce jour inexpliquée, de germes cristallins dans sa masse, les conditions structurales de l’effet thermoélectronique sont toujours présentes dans les conditions ordinaires lorsque les conditions énergétiques le sont. Elles le sont tout au moins à grande échelle, pour une « cathode chaude» ayant une surface émissive suffisante; mais elles le sont de manière beaucoup plus discontinue à faible échelle. Si on projette sur un écran fluorescent, au moyen d’un dispositif de concentration (lentille électrostatique ou électromagnétique), les électrons émis au même instant par les différents points d’une cathode chaude, de manière à obtenir une image optique agrandie de la cathode, on voit que l’émission d’électrons par chaque point est très variable selon les instants successifs. Il se forme comme des cratères successifs d’activité intense, ces cratères sont éminemment instables: le courant total recueilli si l’on installe à proximité de la cathode, dans une enceinte vide, une anode, avec, entre anode et cathode, une différence de potentiel suffisante pour capter tous les électrons émis (courant de saturation), montre des fluctuations qui proviennent de ces variations locales intenses de l’intensité du phénomène thermoélectronique. Plus la surface de la cathode est grande, plus ces variations locales sont faibles par rapport à l’intensité totale; dans un tube électronique à très petite cathode, ce phénomène est sensible. Il a été assez récemment étudié sous le nom de scintillation ou « flicker ». Or, tous les points d’une cathode sont dans les mêmes conditions énergétiques thermiques, à de très faibles différences près, par suite de la conductivité thermique élevée des métaux. Même si on supposait de légères différences de température entre différents points de la surface d’une cathode, on ne pourrait expliquer par là les brusques et importants changements d’intensité de l’émission d’électrons entre deux points voisins. C’est donc que l’effet thermoélectronique dépend au moins d’une autre condition, en plus de la condition énergétique qui est toujours présente. Les brillants et fugaces cratères observés dans le dispositif d’optique électronique décrit plus haut correspondent à l’apparition ou à la disparition de cette condition d’activité à la surface de la cathode, en tel point déterminé. L’étude de ce phénomène n’est pas assez avancée pour que l’on puisse préciser la nature de ces germes d’activité. Mais il importe de noter qu’ils sont fonctionnellement comparables aux germes cristallins qui apparaissent dans une solution amorphe sursaturée. La nature de ces germes est encore mystérieuse ; mais leur existence est certaine. Or, nous devons nous demander si, dans l’effet photoélectrique, la lumière agit seulement en augmentant l’énergie des électrons. Il est intéressant de remarquer que les électrons sortent normalement à la surface de la plaque de métal alcalin. Il est très regrettable que les températures élevées nécessaires pour obtenir l’effet thermoélectronique ne soient pas compatibles avec la conservation des cathodes de zinc, de césium ou de cadmium; on pourrait tenter de voir si, pour des températures à peine inférieures à celle à laquelle l’effet thermo-électrique commence à se manifester, la fréquence minimum de lél lumière produisant l’effet photoélectrique se trouverait abaissée, ce qui montrerait que l’énergie de sortie aurait diminué. Si cela était, on pourrait en conclure qu’il existe deux termes dans l’énergie de sortie de l’électron: un terme structural et un terme représentant en fait un potentiel. Toutefois, même en l’absence d’expériences plus précises, il est possible de tirer de cet exemple un certain nombre de conclusions provisoires relatives à l’étude de l’individuation physique. Nous voyons en effet un type très remarquable de relation dans l’effet photoélectrique : tous les électrons libres qui se trouvent dans la plaque de métal éclairée sont, du point de vue énergétique, comme une seule substance. Sinon, on ne pourrait comprendre comment il peut y avoir effet de sommation de l’énergie lumineuse arrivant sur la plaque jusqu’à ce que la quantité d’énergie nécessaire à la sortie d’un électron ait été reçue. Il y a en effet des cas où on ne peut considérer le phénomène comme instantané; il faut donc dans ce cas que l’énergie lumineuse ait été mise préalablement en réserve; d’autre part, cette énergie suppose une communication entre tous les électrons libres, car on peut difficilement concevoir que l’énergie a été apportée par un photon qui aurait mis pour agir sur l’électron un temps plus long que la vitesse de la lumière ne permet de le calculer. Si la relation entre la lumière et un électron se fait plus lentement que la vitesse de la lumière ne l’autorise, c’est qu’il n’y a pas relation directe entre la lumière et l’électron, mais relation par l’intermédiaire d’un troisième terme. Si l’interaction entre le «photon» et la lumière est directe, elle doit être assez courte pour que le photon, entre le début et la fin de l’interaction, soit encore pratiquement à la même place. Nous nous bornons à refaire ici pour le déplacement du photon le raisonnement qui a conduit à adopter l’idée que le photon peut se manifester en tout point éclairé. Mais, si l’on admet que le photon peut manifester sa présence partout au même instant sur un plan perpendiculaire à la direction de déplacement, on ne peut admettre qu’il puisse demeurer au même endroit pendant tout le temps que dure une transformation. Si, par exemple, une transformation dure 1/100000e de seconde, le photon aurait eu entre le début et la fin de cette transformation, le temps de parcourir 3000 mètres. Cette difficulté est évitée si l’on suppose qu’entre la lumière et l’électron il y a sommation d’énergie dans le milieu où se trouvent les électrons. Cette sommation pourrait être faite par exemple sous forme d’augmentation de l’amplitude d’une oscillation ou de la fréquence d’une rotation. Dans ce dernier cas par exemple, la fréquence de la lumière interviendrait directement comme fréquence et non comme quantité scalaire. Si l’on admet en effet un rôle direct de la fréquence, il n’est plus nécessaire de se représenter un photon dont l’énergie serait représentée par la mesure d’une fréquence: la fréquence est la condition structurale sans laquelle le phénomène de structuration ne peut s’effectuer. Mais l’énergie intervient comme quantité scalaire dans le nombre d’électrons extraits par unité de temps. Selon cette représentation, il serait nécessaire de considérer un champ électromagnétique comme possédant un élément structural et un élément purement énergétique : la fréquence représente cet élément structural tandis que l’intensité du champ représente son élément énergétique. Nous disons que la fréquence représente l’élément structural, mais non qu’elle le constitue, car en d’autres circonstances cet élément interviendra comme longueur d’onde au cours d’une propagation dans un milieu déterminé ou dans le vide. Une diffraction par le réseau cristallin fait intervenir cette structure en tant que longueur d’onde, en rapport avec la longueur géométrique de la maille cristalline. (Simondon 2005 [1958]:101-4).

SIMONDON, Gilbert. 2005 [1958]. L’individuation à la lumière des notions de forme et d’information. Grenoble: Éditions Jérôme Millon.